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Mes journées avec Richard E. Carter

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Mes journées avec 

 Dick CARTER

 
Il a compris les secrets de la

 vitesse en IOR

 

Traduction libre de l'article publié par Robert H. Perry

Revue Sailing, Mars 1989.

 

 

 

 

    Comprendre les dessins d'aujourd'hui nécessite la connaissance de l'histoire de l'architecture moderne, et toute période du dernier siècle comprend un chapitre consacré au travail de Dick Carter. J'ai eu la chance de travailler exactement un an pour Dick. J'ai donc pensé être bien placé pour raconter l'histoire de Carter Offshore qui était le nom de sa société à l'époque.

    C'était en 1964, à Copenhague, dans la deuxième manche des épreuves de la One Ton Cup nouvellement remise au gout du jour pour des bateaux de course au large. Un jeune équipier de Boston en  dériveur surveillait la flotte des 26 bateaux et remarquait leur grande variété. Les One Tonners déplaçaient de 5,25 à 10 tonnes. Cela laissaient une bonne marge de manoeuvre à un collègue pour travailler à un plan idéal à l'intérieur de ce pot pourri. L'année suivante Dick Carter revenait avec Rabbit. Rabbit était un peu trop petit avec un rating bien en dessous de celui autorisé et ne pouvaient lutter avec les One Tonners. L'année suivante il était de retour avec Tina. Alors que les bateaux se rassemblaient pour la One Ton Cup 1966, un architecte bien connu en Europe se promenait sur le quai où les bateaux étaient mis à l'eau. En arrivant près de Tina sous les sangles, il se dit que si ces lignes étaient celles du futur, ils pouvaient (Les architectes actuels) tous prendre leur retraite. En bien en fait, Tina avait les formes d'un déplacement modéré de nos jours avec une quille et un safran séparés. C'est intéressant de noter qu'à la fois Dick Carter travaillant sur les appendices des déplacements légers et Bill Lapworth sur les déplacements légers CCA étaient d'anciens coureurs en dériveur.

    Bien qu'il soit difficile de déterminer qui utilisa la quille et safran séparés en premier, il est clair qu'on ne vit plus aucun dessin de bateaux de course avec une quille longue après la victoire de Tina en 1966. Les bateaux à quille séparé étaient devenus la référence. Dick travaillait aussi sur le mât et son fardage qu'on pouvait limiter fortement en plaçant les drisses dans le tube. Les drisses internes sont un grand progrès sur les mâts, mais quand Dick utilisa ce concept pour la première fois, il se dit que c'était un développement dangereux.

    Dick était une énigme pour la majorité des régatiers Américains. Ses dessins étaient imbattables en Europe, à commencer par Rabbit I qui gagnait le Fasnet en 65. Rabbit I était son premier plan. La One Ton Cup était à cette époque l'épreuve phare de la course au large Européenne et les dessins de Carter la remportèrent trois fois de rang avec Tina et Optimist. Très rapidement Dick levait une liste de clients Européens qui étaient comme le who's who de la course au large.

    Tandis que les architectes Américains vivaient les derniers jours de la CCA, Carter surfait sur un RORC en passe de devenir l'IOR. La reconnaissance de Carter sur la scène Américaine s'effectuait avec Red Rooster qui était membre de l'équipe Américaine à l'Admiral's Cup. Red Rooster arriva à remporter l' Admiral's Cup avec une brillante victoire dans le Fastnet de cette année là.  Carter n'était plus un mystère aux USA. Son implication dans le yaching aux USA augmenta lorsque l'IOR s'internationalisait et que la course au large devenait réellement quelque chose d'international. Dick a joué un grand rôle dans l'arrivée de l'IOR aux USA pour qu'il soit accueilli comme une vrai règle internationale pour la course au large.

    Bien sur je "surveillais" Carter. Je lisais toutes ses annonces et regardais tous les équipements de ses bateaux. A cette époque, en 1973, j'étais un dessinateur frustré qui travaillait pour un bureau spécialisé dans les "bateaux de caractère" qui n'accordait que très peu d'intérêt à la performance. Au bas d'une de ses annonces, en tout petit caractère, je lisais "expérience architecturale souhaitée". Je contactait Dick et il me répondit qu'il hésitait à me prendre car j'habitais à Seattle et il doutais que je me déplace à Boston pour un inconnu. Je lui répondais que je disposais de deux semaines de vacances à venir et que je ferais bien un essai de 15 jours à son bureau s'il me payait le vol. Il acceptais et je le rejoignais très excité par la découverte des secrets de l'architecture de bateaux de course.

    J' atterrissais à l'aéroport de Logan tard un dimanche soir et me rendais à pied à Swamperscot où une chambre d'hôtel m'avais été réservée. J'avais avec moi tout mon matériel de dessin. Quelle aventure, j'étais perdu :) Le lundi matin, Peter Aronson le directeur de Carter venait me prendre et me conduisit à la "Tour". Dick vivait dans un manoir de style Grec sur les falaises au dessus de l'atlantique, un isthme appelé Nahant, vingt miles au nord de Boston. A huit pieds en arrière de l'entrée du manoir était édifiée une tour en ciment de 14 pieds carrés qui avait été construite pour la défense et l'observation des sous-marins. C'était le bureau de Dick. Actuellement Dick occupait le quatrième étage avec Chuck Paine et Mark Lindsay au cinquième et Yves Marie Tanton et moi même au troisième. Le reste de l'équipe occupait des locaux au rez de chaussée. C'était pour moi à cette époque un endroit plein de "secrets". Les deux semaines passèrent vite et on me dit que j'étais pris pour le job. Le rêve devenait réalité. J'ai appris plus tard que le collègue que je remplaçais était Doug Peterson !

    Quand j'ai déménagé à Boston et ai travaillé à temps plein pour Dick, le bureau surfait sur la vague d'Ydra, un One Tonner en aluminium, construit avec des panneaux de 1/4 de pouce, jetant de nouvelles bases au monde de la One Ton Cup. Ydra était un bateau très spécial avec des tangons de spinnaker intégrés dans le pont, un gréement démesuré (48 pieds mesurés), et un look très sexy. Le cabinet Carter maitrisait sacrément bien la jauge IOR et ses mystères se dissipaient une fois franchie la porte sacrée de ses bureaux. On a jamais utilisé d'ordinateur. L'Equipe de dessin se composait de Dick qui voyageait à travers l'Europe pour assoir le nouveau business, Yves Marie Tanton, Chuck Paine, Mark Lindsay, et, au sommet de la pyramide , RHP. En regardant ce que chacun de nous a fait depuis "la tour", je ne peux que me rappeler ce que Dick nous a dit un jour "Je sens de la puissance dans ce bureau". Avec du recul je pense qu'on était une bande fantastique de c collègues créateurs. Dick revenait au bureau avec des commandes de plans et des idées de bateaux pour courir en Europe. Yves Marie dessinait les carènes et jonglait avec les ratios de l'IOR. Chuck s'occupait du design artistique et écrivait tous les programmes d'ordinateur et supervisait les dessins d' aménagements intérieurs de Mark. Basiquement lors de ces 6 mois, j'étais le scribe d'Yves Marie et travaillais à un grand nombre de taches de dessins. Yves Marie quittait ce poste au bout de 6 mois et je devenais impliqué dans  la conception de plans conceptuels, tandis que Chuck reprenait le travail du dessin des carènes.

    On prenait beaucoup de plaisir? On était loin des clients ce qui était une honte mais on dessinait selon les besoins du moment. On était tranquille et on le réalisait. Dick nous payait bien et nos commissions étaient stimulantes. On travaillait dans un environnement magnifique au dessus de l'océan, on passait notre temps pour les repas assis sous les arbres dans la grande cour de Dick avec Mark Linsay et moi même qui échangions des accords guitares tandis que Chuck Paine sculptait ses queues d'aronde pour élargir sa gamme d'outils. On était tous un peu inquiet de notre avenir en tant que patron mais c'était une époque libre sans problèmes.

   Avec Rabbit I au départ, les dessins de Carter étaient différents. Ils étaient simples et propres, ils dénotaient vraiment de ce qui avait été fait avant eux. Dick a été un catalyseur du "Et si on faisait ça ?". Les bateaux de Carter ont toujours été jolis, et dans mes souvenirs Red Rooster restera toujours un classique. Les bateaux de Carter étaient aussi radicaux. Rabbit I avant puis Tina et Optimist étaient très nouveaux et radicalement tournés vers la vitesse pour leur époque. Les dessins de Carter étaient des bateaux de course et des modèles d'efficacité. Rappelez vous tous ces bateaux : Noryema, Corioloan, Wai Inawa, Vendredi 13, Gitana, Blue Crocodile, Kohinoor, Benbow, Aggressive, Airmail, Carina, Frigate, Mabelle. Frigate était un admiraleur Anglais extrêmement joli, très semblable à Ydra avec plus de volume dans les élancements arrière. Aggressive a été un Two Tonner très réussi. Wai Inawa a été un des plus couronnés des Carter 40 avec une quille qui pivotait sur un gros axe vertical. Vendredi 13 faisait 128 pieds et a été dessiné pour l'Ostar en 1972. Par bien des points on peut considérer cette époque comme l'âge d'or de l'architecture de la course au large. On avait de grandes possibilités pour tester de nouvelles choses. Aujourd'hui, un architecte qui dépasse de 0.3 pieds le "L" fait une révolution. Les améliorations se font au scalpel et au microscope, mais en cette période Carter a donné des coups de scie dans la flotte de son époque et a produit un nombre étonnant de bateaux différents et compétitifs.

    Dick a aussi lancé une ligne de production de bateaux de série en Grèce. Cela comprenait celle d'une version de série d'Ydra, le Carter 37, le Carter 39 avec ses deux barres à roue, et l'étonnant Carter 33 qui a été son plus gros succès en production. Au tout début de l'IOR, Carter savait quelle forme dessiner pour que ça marche. Les arrières étaient étroits et les bustles allongés et spectaculaires. Il n'y avait pas de bouchain sur les carènes car il n'y avait pas de limite sur les mesures de volumes avant. Les sections médianes étaient orientés et tournées radicalement vers les points de mesure. Le frégatage fut introduit pour maximiser la largeur et cela donna aux bateaux de Carter un effet galbé notable. Nous avons comprimé, pincé et déformé les lignes de ces bateaux pour les rendre supérieurs aux vieux IOR, et cela a marché.

    La question, au stade de cet article, est de savoir où est Carter aujourd'hui et pourquoi ne voit-on pas de plans Carter aujourd'hui ? Dick vit toujours à Nahant mais ne travaille presque plus pour le yachting. Il est passé à d'autres choses. Je pense que sa disparition de l'architecture navale a deux raisons : la nécessité croissante de dessiner et de mener des opérations marketing a poussé Dick loin des tables à dessin et l'a enfermé dans un bureau. Tristement et ironiquement sous une pile de papier se trouvait de nouveaux bateaux de course. La progression des yachts modernes doit beaucoup à l'innovation et aux visions de Dick Carter. Quand vous énumérez les noms des architectes connus, n'oubliez pas de placer Richard E.Carter juste après Olin Stephens et juste devant Doug Peterson et Ron Holland.

 

   Dick Carter est en demie-retraite. Il aime autant étudier l'histoire des 16ème et 17ème siècles que faire de la croisière le long des côtes Anglaises. Il utilise souvent un Carter 34 a safran relevable pour passer les barres et remonter Oxford River. "La croisière est un moyen fantastique d'arriver quelque part. Un bateau est juste un moyen merveilleux de visiter des endroits où tout est magnifique une fois arrivé" disait-il dernièrement :)

 

Robert Perry

 

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