Paul Elvström
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- Catégorie : Divers
- Publié le mardi 27 décembre 2022 14:48
- Écrit par Chorus
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"Vous n’avez pas vraiment gagné la régate, si en la gagnant
vous avez perdu le respect de vos concurrents."
Commençons par relire une publication de Valdemar Bandolowski, qui a écrit l'article ci-dessous pour rendre hommage à son ami et son maître, en voici la traduction littérale.Je me suis permis d'y introduire des illustrations, puis de le compléter ensuite…
Valdemar est un ancien équipier et ami de Paul Elvtröm en Soling.
A tous mes amis Anglophones
En mémoire et en l'honneur de Paul Elvtröm.
Paul Elvström aura été une icône et un maître pour beaucoup de navigateurs dans les années 60-70. J'ai commencé à m'intéresser à Paul et à son apport au Danemark et à la voile, en général, quand j'avais 14 ans et que j'ai séché l'école pour lire son livre "De l'or pour le Danemark". La vie de Paul était une aventure qu'il fallait que je connaisse mieux, d'autant plus que son histoire m'avait poussé, plus que tout, à débuter des entrainements quotidiens sur l'eau. Je n'imaginais pas l'influence énorme que Paul allait avoir sur ma vie.
"Tu veux embarquer en Soling?" C'est la question exacte que Paul m'a posée en sortant du port de Skovshoved avec son Soling, un jour de printemps de 1970. J'étais sur la jetée en sortant d'une navigation sur mon 5O5 avec mon ami de longue date, Erik Hansen.
Paul avait commencé la construction du nouveau quillard à 3 équipiers baptisé "Soling", introduit pour les Jeux Olympiques de 1972, à Munich
J'apprenais à connaitre personnellement Paul et je découvrais son implication totale dans la mise en production des premiers Soling au chantier d'Horsholm. Il m'invitait à confectionner des voiles sur mesure pour mon dériveur dans sa voilerie, située dans le même bâtiment. La proposition de Paul de naviguer avec lui, même pour un marin plus très jeune était impossible à refuser.
L'objectif était d'être sélectionné aux J.O et de remporter si possible une médaille à Munich en 1972. Durant les trois années de notre préparation, tout un schéma d'entrainement allait alors structurer ma vie de régatier et ma vie d'homme aussi. Paul et Anne ont joué pendant de longues périodes le rôle de parents que je n'avais plus. Ils m'ont aidé avec amour pour résoudre des problèmes personnels, je dinais chez eux, je logeais chez eux, j'étais aussi salarié au conseil de son entreprise.
Paul est historiquement parlant le meilleur marin du Danemark, le plus grand athlète aussi. On avait eu au cours des ans au Danemark de bons marins, mais Paul était le seul à naviguer en utilisant son physique et une approche mentale innovante, avec la détermination de gagner encore et encore. Nous sommes tous redevable à Paul d'une manière ou d'une autre. Il a créé un décor, nous a montré comment nous préparer à de grosses épreuves et ne pas avoir cette peur face à la victoire. Pour faire court, sans Paul, le Danemark serait resté un petit pays en voile, à égalité avec la Norvège ou la Suède.
Son intégrité personnelle et son sens du devoir au travail demeurent inégalés. Paul avait toutes les qualités. Il passait du temps à s'entrainer, à améliorer ses voiles et son matériel. Mais, avant toute chose, il s'impliquait personnellement dans ce travail. Paul ne buvait que rarement de l'alcool, juste un verre de vin ou de liqueur à des occasions spéciales. Je n'ai jamais vu Paul faire la fête comme cela. Sa plus grande joie était de se retrouver avec sa magnifique épouse Anne et ses 4 belles petites filles dont celles qui ont navigué avec lui à différentes périodes de sa vie.
Je me souviens qu'après un entrainement sur "Le Sound" on s'est assis dans le sauna au sous-sol de sa résidence de Sigridsvej et qu'on a discuté de la façon de nous améliorer pour nos prochaines grandes régates. On en est venu à discuter de Napoléon, rien que lui! L'empereur aurait déclaré que les qualités physiques de ses soldats ne jouaient que pour 30% dans la victoire. Les 70% restants, c'était sa capacité à leur enseigner qu'ils ne pouvaient pas être battus.
Paul s'inspirait de cette réflexion pour croire en la victoire avec respect et humilité face à l'épreuve. C'était un devoir commun de se demander en permanence comment chaque individu pouvait participer au projet et plus important encore, à quoi nous étions prêts à renoncer pour arriver à nos fins.
Paul n'a jamais été guidé par une ambition personnelle. Paul respectait profondément le Danemark dans toutes les régates qu'il disputait. Quand une épreuve se terminait, on devait respecter les couleurs du Danemark et Paul devait sentir qu'on avait fait des progrès en voile, et dans la bonne direction. Cela explique pourquoi Paul était plus fort que d'autres quand la pression devenait trop forte. Son sens du devoir en matière de réputation du Danemark et de réputation tout court dépassait de loin son orgueil personnel.
Durant les 3 années où l'on a navigué ensemble en Soling, notre devise a été : "Que peut-on apporter individuellement et que peut-on mettre de côté pour réaliser notre objectif?" Cela nous a amené à être parfois bien meilleurs que nos concurrents et à remporter à peu près toutes les courses où nous étions engagés. Championnat d'Europe 1971 en Soling à Travemunde : 6 places de premier. Semaine de Gêne et Ski Yachting de Cannes en 71 et 72 pour la semaine olympique de Kiel, deux victoires encore fin 71 et au printemps 72. On avait évidemment de très gros espoirs et une forte pression en plus de remporter une médaille à Munich, mais tout reposait sur Paul.
Les trois premières courses des J.O. se sont courues avec un vent faible inattendu, on a rapidement vu que les Américains naviguaient vraiment bien dans ces conditions, ils obtenaient 3 victoires en trois courses. On l'emportait dans la 4ème manche avec du vent, preuve que l'on était sur la bonne voie, si seulement le vent à Kiel avait été celui prévu! Nous gardions un espoir de médaille quand dans la 5ème manche on réalisait que tous nos espoirs étaient perdus.
On a beaucoup commenté et parlé de cet évènement, pour faire court, on a perdu cette épreuve parce que Paul est retombé en dépression. Cela était dû à cette pression intense pour obtenir des résultats et à des rencontres malvenues avec le bateau Français (JM Le Guillou remplaçant de B.Cheret. NDLR : la veille le français réclamait contre Paul, le disqualifiant de fait. Paul avait un échange verbal agité avec celui-ci. Le lendemain, son bateau rentrait en collision avec le Français sur la ligne de départ. Il rentrait au port et remontait son bateau au sec pour quitter définitivement l'épreuve.) qui ont anéanties nos opportunités de prendre de bons départs. Il en a été tellement affecté que nous avons voulu arrêter. Paul a toujours été fairplay au plus haut niveau, l'idée même que l'un de ses concurrents puisse le priver de ses chances en course, à son profit, n'était plus acceptable à ses yeux. C'est une décision sur laquelle, avec Jan Kjaerulff, je suis tout à fait d'accord.
Je n'ai pas été très surpris quand Paul nous ait quitté à l'âge de 88 ans. 88 ans c'est déjà une longue vie avec cette bataille contre la maladie et la perte de sa femme bien aimée, Anne, décédée quelques années plus tôt. Cela ne lui a pas rendu la tâche facile dans sa dernière lutte.
Paul restera toujours dans nos cœurs. Son talent, sa force créative, sa réflexion incroyable, son respect et son humilité comme représentant du Danemark, ont fait de lui, sans comparaison possible, le meilleur marin de la planète et un modèle exemplaire qui a contribué à faire du Danemark l'une des plus grandes nations en voile.
Valdemar Bandolowski
Elvstrøm participera à nouveau aux Jeux Olympiques en 1984 et 1988, avec sa fille Trine comme coéquipière. Il s’agit du seul équipage père/fille à avoir concouru ensemble aux Jeux. Au cours de la saison 1983-1984, Trine et Paul Elvstrøm sont champions d'Europe en classe Tornado. Ils finiront quatrième dans cette même classe aux Jeux Olympiques en 1984. Paul a par ailleurs été sacré 13 fois champion du monde, dans sept séries de monotypes. Il est l'un des quatre sportifs dont la participation olympique s'étend sur une durée de 40 ans.
Paul Elvström restera également dans l'histoire de la voile par ses inventions. Il est notamment à l'origine d'un nouveau modèle de vide-vite, accessoire désormais commun sur les dériveurs, distribué par Andersen. Le sportif Danois a aussi créé son modèle de gilet de sauvetage.Tout le monde veut copier le roi Elvström! Ces « ballasts » de torture sont alors adoptés par tous ses adversaires, avant d’être interdits après 1988 pour avoir généré des lombalgies et pire, détruit des centaines de dos. Paul Elvström est aussi un monomaniaque, féru de technologie. Insatisfait par les voiles en coton, lourdes et qui se déforment, il décide en 1954 de concevoir les siennes lui-même. Sans diplôme mais doté de doigts en « or », il s’associe avec Erik Johansen, son ami d’enfance et premier équipier. Eric est tailleur de pantalons et Paul construit des maisons. Ils achètent alors un rouleau de tissu italien en Nylon, et décident de concevoir une voile avec de petits panneaux afin de diminuer l’élasticité. Dès le week-end suivant, cette voile assemblée dans la cave de Paul remporte sa première régate.
Elvström dessine lui-même le logo - une couronne danoise rouge aux couleurs du drapeau son pays. Le succès est immédiat, et de l’Optimist au 505, tout le monde veut du « Elvström ». Erik Johansen qui a aussi du flair en affaires, propose de s’implanter dans le Sud de la France à Cannes, où le potentiel dans le développement de la plaisance lui paraît énorme. Le succès ne se fait pas attendre, et la voilerie Elvström Sails grandit vite. Tous les grands chantiers veulent équiper leurs bateaux de ces voiles danoises à la fois légères, performantes et moins chères que les voiles américaines Hood. L’atelier du Cannet de 300 m2 est rapidement remplacé par un plancher de 2000 m2 à Cannes La Bocca. Les trois jeunes fils d’Erik, tous champions d’Optimist se révèlent aussi de redoutables commerciaux, et vendent leurs voiles après chaque victoire. La voilerie Elvström devient la plus grande d’Europe, et aussi l’une des plus innovantes. Paul n’arrête pas pour autant de régater, au contraire.
Il brille en 505, en Star, en FD, en Snipe, en Finn… remporte tous les championnats du monde, est le meilleur ambassadeur possible pour la marque, et se tourne vers la course habitable. Il dessine Bes, un prototype novateur avec lequel il gagne le championnat du monde en 1972. Puis Paul s’associe avec le chantier français Bénéteau (l’un des plus gros clients de la voilerie Elvstrom) pour remporter ensuite avec Jérôme Langlois, l’un des dirigeants à Cannes, la Half-Ton Cup sur King One un plan Berret construit en Vendée par le premier constructeur mondial de voiliers. Il rejoint à la demande du Baron Bich le 12 MJI France pour la Coupe de l’America, mais éprouve les pires difficultés à se fondre dans une équipe pléthorique et cosmopolite. « Je crois n’avoir jamais aimé les gros bateaux » raconte-t-il. « Sur une grosse unité, il faut apprendre à tout le monde à manœuvrer parfaitement, il y a trop d’équipiers et on ne dispose jamais assez de temps pour s’entraîner. »
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Son cœur bat décidément pour l’olympisme. À part les JO de 1964 à Tokyo et 1980 à Moscou, il ne manque aucun de ces rendez-vous incontournables. En 1968 à Acapulco, il termine au pied du podium en Star, tout comme en 1972 à Kiel en Soling. Et en 1988, après avoir remporté deux titres de champion d’Europe avec sa dernière fille Trine, et pris la sixième place à Los Angeles quatre ans plus tôt, il dispute ses huitièmes et derniers JO sur Tornado. Sa fille n’ayant pas le gabarit et le poids requis sur ce catamaran très physique, il imagine un stick télescopique et barre au trapèze.Trine n’a guère droit au chapitre entre les bouées. Son père décide de tout, de la tactique, du placement, des voiles. Le seul équipage père-fille dans toute l’histoire des JO termine seizième… loin derrière les nouveaux champions olympiques, les Français Jean-Yves Le Deroff et Nicolas Hénard, aujourd’hui respectivement directeur de l’École Nationale de Voile et des Sports Nautiques et Président de la Fédération Française de Voile. La période de gloire touche à sa fin. Il perd le contrôle de la voilerie qui porte son nom et le vit mal. Le jeune Britannique Ben Ainslie qui remporte cinq médailles olympiques dont quatre consécutives en or, bat son record que l’on pensait indéboulonnable. Très affecté par le décès de sa femme, Paul Elvström que le Danemark a élu « sportif du siècle », a une fin de vie douloureuse, atteint de la maladie de Parkinson. Cloitré chez lui dans sa maison natale à Hellerup au bord de la Baltique, il s’éteint le 7 décembre 2016, à 88 ans.
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